L’usufruit est le droit d’user d’un bien et d’en récolter les fruits. Il fait suite à un démembrement dont nous vous expliquions le principe dans un précédent article : Pleine propriété = Nue propriété + usufruit
Pour rappel, la pleine propriété est divisée en trois droits :
- L’usus (le droit de se servir de la chose),
- Le fructus (le droit de percevoir les fruits de la chose),
- L’abusus (le droit de disposer de la chose).
L’usus et le fructus constituent l’usufruit et la personne qui les possède est alors usufruitière.
L’abusus constitue la nue-propriété et la personne qui le possède est nue-propriétaire.
Qu’est-ce que le quasi-usufruit?
Le quasi-usufruit est un usufruit portant sur des biens dits « consomptibles », c’est-à-dire des biens qui, lorsqu’on les utilise, se consomment, disparaissent ou sont transformés. Les exemples typiques sont l’argent ou les denrées alimentaires. Contrairement à l’usufruit classique, où l’usufruitier doit restituer le bien dans l’état où il l’a reçu, le quasi-usufruitier a la possibilité de consommer ou de disposer du bien comme il l’entend, mais il a l’obligation de restituer la valeur à la fin de l’usufruit.
Il a donc pour but de faciliter la gestion de certains biens consomptibles, tout en protégeant les droits des nus-propriétaires.
Code civil article 587 : « Si l’usufruit comprend des choses dont on ne peut faire usage sans les consommer, comme l’argent, les grains, les liqueurs, l’usufruitier a le droit de s’en servir, mais à la charge de rendre, à la fin de l’usufruit, soit des choses de même quantité et qualité soit leur valeur estimée à la date de la restitution. ».
Les origines du quasi-usufruit
Le quasi-usufruit d’origine légale désigne un quasi-usufruit qui prend naissance automatiquement en vertu de la loi, sans qu’il soit nécessaire de conclure un accord particulier entre les parties. Il s’oppose ainsi au quasi-usufruit conventionnel, qui résulte d’un accord explicite entre les parties.
Dans le cadre d’un quasi-usufruit conventionnel, bien que non obligatoire, la conclusion d’une convention de quasi-usufruit va permettre de définir clairement l’objet du quasi-usufruit pour se prémunir d’un abus fiscal. Elle spécifiera aussi les conditions, les pouvoirs associés et les modalités de restitution à la fin de l’usufruit, sécurisant ainsi les droits de chacun.
Création d’une dette envers le nu-propriétaire
Exemple : Lors d’une succession, un parent laisse à ses enfants la nue-propriété d’une somme d’argent (100 000 €) et donne l’usufruit de cette somme à son conjoint survivant. Ce conjoint survivant devient donc quasi-usufruitier. Il peut utiliser cet argent comme bon lui semble (par exemple, en l’investissant ou en le dépensant), mais il devra, à terme, restituer la valeur équivalente (les 100 000 €) aux nus-propriétaires (les enfants) à la fin de son usufruit (généralement à son décès).
Ainsi, cette technique permet par exemple au conjoint survivant de disposer pleinement d’une somme d’argent sans avoir à en référer aux nus-propriétaires. A son décès, si la somme est toujours présente, elle est transmise aux nus-propriétaires en franchise de droits ; Si elle n’est plus présente dans le patrimoine, une créance est créée sur la succession, réduisant mécaniquement les droits de succession.
Cette technique est donc utilisée pour optimiser les droits de succession, particulièrement avec le quasi-usufruit conventionnel (mécanisme de donation avant cession avec quasi-usufruit sur le produit de la vente). Le législateur a donc réagi avec l’article 774 bis du Code Général des Impôts introduit pour traiter spécifiquement des conséquences fiscales du quasi-usufruit.
CGI article 774 Bis : « Ne sont pas déductibles de l’actif successoral les dettes de restitution exigibles qui portent sur une somme d’argent dont le défunt s’était réservé l’usufruit »
L’application étant encore incertaine, il semblerait, que pour une première approche, le quasi-usufruit légal soit épargné mais ceux qui naissent d’une convention ou d’une clause bénéficiaire démembrée, par exemple, ne puissent plus jouir de ce système de faveur à moins d’en démontrer un but qui ne soit pas principalement fiscal. Il est à noter qu’il est, dans ce cas, à la charge des bénéficiaires d’apporter la preuve de la chose et de démonter la volonté de rembourser la dette et non pas nécessairement de créer une créance de restitution lors de la succession. La convention de quasi-usufruit prend alors tout son sens et devra être rédigée avec soin.
Affaire à suivre pour adapter sa stratégie de transmission. En effet, ces dispositions s’appliquent aux successions ouvertes à partir du 29 décembre 2023.
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